Santé mentale : commençons par parler de définition
Dans certaines situations, c’est l’évidence : la personne souffre d’une maladie mentale. Dans d’autres, c’est moins évident. Est-elle malade ou non ? Définir ce qu’est la santé mentale et surtout ce qu’est une bonne santé mentale est un exercice qui nous amène à découvrir que la santé mentale, ce n’est pas aussi simple qu’on pourrait le penser. Allons-y par étape en commençant par établir ce qu’est la santé mentale.
D’abord, en cherchant à être inclusive des cultures sur notre planète, l’Organisation mondiale pour la Santé (OMS) en est arrivée à cette définition :
La santé mentale est une composante essentielle de la santé. La Constitution de l’OMS définit la santé comme suit :
« La santé est un état de complet bien-être physique, mental et social, et ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d’infirmité ». Cette définition a pour important corollaire que la santé mentale est davantage que l’absence de troubles ou de handicaps mentaux.
La santé mentale est un état de bien-être dans lequel une personne peut se réaliser, surmonter les tensions normales de la vie, accomplir un travail productif et contribuer à la vie de sa communauté. Dans ce sens positif, la santé mentale est le fondement du bien-être d’un individu et du bon fonctionnement d’une communauté.
La santé et le bien-être mentaux sont indispensables pour que l’être humain puisse, au niveau individuel et collectif, penser, ressentir, échanger avec les autres, gagner sa vie et profiter de l’existence. (…) [1] »
En 1989, le Comité de la santé mentale du Québec adoptait la définition qui suit et qui exprime bien l’aspect dynamique de santé mentale qui se vit au quotidien :
La santé mentale définie brièvement comme l’état d’équilibre psychiqued’une personne à un moment donné, s’apprécie, entre autres, à l’aide des éléments suivants : par le niveau de bien-être subjectif, l’exercice des capacités mentales et la qualité́ des relations avec le milieu.
Elle résulte d’interactions entre des facteurs de trois ordres : des facteurs biologiques, relatifs aux caractéristiques génétiques et physiologiques de la personne, des facteurs psychologiques, liés aux aspects cognitifs, affectifs et relationnels, et des facteurs contextuels qui ont trait aux relations entre la personne et son environnement. Ces facteurs sont en évolution constante et s’intègrent de façon dynamique chez la personne. (p. 9)[2]
Après avoir lu ces définitions, il est assez facile de constater que de nombreux éléments influencent nos capacités à maintenir une bonne santé mentale. Voici ce qu’en dit l’OMS :
Des facteurs sociaux, psychologiques et biologiques multiples déterminent le degré de santé mentale d’une personne à un moment donné. Ainsi, des pressions socio-économiques persistantes sont des facteurs de risque reconnus pour la santé mentale des individus et des communautés. Les données factuelles qui l’attestent le mieux sont les indicateurs de pauvreté, notamment les faibles niveaux d’instruction.
Les problèmes de santé mentale sont également associés aux éléments suivants : changement social rapide ; conditions de travail éprouvantes ; discrimination à l’égard des femmes ; exclusion sociale ; mode de vie malsain ; risques de violence ou de mauvaise santé physique ; et violations des droits de l’homme.
Par ailleurs, certains profils psychologiques et certains traits de personnalité prédisposent aux troubles mentaux. Enfin, les troubles mentaux peuvent être dus à des causes biologiques, notamment à des facteurs génétiques qui contribuent à des déséquilibres chimiques du cerveau. [3]
Il y a une trentaine d’années, le Comité de la santé mentale du Québec formulait lui aussi une liste de déterminants qui affectent la santé mentale des personnes :
La santé mentale est liée tant aux valeurs collectives dominantes dans un milieu donné qu’aux valeurs propres à chaque personne. Elle est influencée par des conditions multiples et interdépendantes telles que les conditions économiques, sociales, culturelles, environnementales et politiques.
Toute condition qui nuit à l’adaptation réciproque entre la personne et son milieu, par exemple la pauvreté, la pollution ou la discrimination, constitue un obstacle à la santé mentale.
À l’inverse, toute condition qui facilite cette adaptation réciproque, telle la distribution équitable de la richesse collective, l’accès à une éducation de qualité́ ou à un environnement sain, favorise et soutient la santé mentale. Dans cette perspective, la santé mentale peut également être considérée comme une ressource collective, à laquelle contribuent tout autant les institutions sociales et la communauté entière que les personnes considérées individuellement.
Dans notre époque plus récente, certains éléments ont pris plus d’importance et influencent la santé mentale. L’accès légal à l’alcool, aux jeux de hasard et au cannabis s’est intégré dans la société sans toujours mettre de l’avant la prévention auprès des gens les plus fragiles. Après l’essor de l’écrit, de la radio, de la télévision, l’internet amène de nouveaux enjeux pour la santé mentale et physique. Même le développement du cerveau des nouvelles générations change.[4]
L’expansion de l’internet dans plusieurs sphères de notre quotidien crée une nouvelle façon de vivre en société qui demande des apprentissages, des outils comme un ordinateur ou un téléphone intelligent et un accès au réseau internet. Cette évolution accélérée touche les relations sociales, la recherche d’un ou d’une conjointe, les études, le travail, la santé, la consommation, les médias, les déplacements, les voyages, les arts et plusieurs autres activités… Alors que l’information voyage presque instantanément, les personnes qui vivent sans communiquer avec le réseau internet sont placées en marge de la société.
Ceux qui sont nés « dedans », en explorant dès le plus jeune âge les multiples propositions, peuvent s’y perdre ou devenir accroc, particulièrement avec les jeux, la pornographie ou des sites dans la partie sombre de l’internet. Les réseaux sociaux ont créé de nouvelles incitations qui peuvent devenir autant de sources de pression sociale. L’interconnexion presque permanente et exclusive entre des personnes de la même famille ou entre individus partageant les mêmes idées crée des systèmes de relations fermées. L’anonymat relatif, la création d’avatars, la possibilité d’idéaliser sa réalité, de mentir ou d’exprimer des propos extrémistes sans être identifiable peuvent aussi créer des situations difficiles dans l’évolution des personnes.
D’autres sujets contemporains peuvent modifier la vie de certaines personnes de notre entourage au point d’altérer leur santé mentale. L’instabilité, les tensions et les guerres en politique internationale affectent le quotidien de millions de personnes provoquant des mouvements de populations. Souvent traumatisés, ces gens deviennent des réfugiés ou des immigrants dont une partie arrive dans notre pays.
Les changements économiques mondiaux remanient les économies locales, en relocalisant des emplois par exemple, entraînant du chômage dans le pays d’origine. Nous sommes passés de l’écologie, activité militante marginale il y a une quarantaine d’années, à un vaste et fervent mouvement social pour sauver la planète, qui se transforme émotivement en écoanxiété pour certains de ceux et celles qui sont inquiets de notre avenir collectif.
Ces exemples montrent la grande étendue des problèmes, troubles ou maladies mentales.
[1] La santé mentale : renforcer notre action. (OMS)
https://www.who.int/fr/news-room/fact-sheets/detail/mental-health-strengthening-our-response
[2] AVIS SCIENTIFIQUE SUR LES INTERVENTIONS EFFICACES EN PROMOTION DE LA SANTÉ MENTALE ET EN PRÉVENTION DES TROUBLES MENTAUX, page 9 https://www.inspq.qc.ca/pdf/publications/789_Avis_sante_mentale.pdf
[3] La santé mentale : renforcer notre action. (OMS)
https://www.who.int/fr/news-room/fact-sheets/detail/mental-health-strengthening-our-response
[4] Le cerveau reste le même, mais ce sont les circuits utilisés qui changent. Face aux écrans, et du coup dans la vie, les natifs du numérique ont une sorte de TGV cérébral, qui va de l’œil jusqu’au pouce sur l’écran. Ils utilisent surtout une zone du cerveau, le cortex préfrontal, pour améliorer cette rapidité de décision, en lien avec les émotions. Mais cela se fait au détriment d’une autre fonction de cette zone, plus lente, de prise de recul, de synthèse personnelle et de résistance cognitive.
https://www.sciencesetavenir.fr/sante/generation-z-le-cerveau-des-enfants-du-numerique_18861
« Ce dont on se rend compte, c’est que les enfants qui passent trop de temps sur les tablettes ont de la difficulté à se dessiner, même à l’âge de 7 ou 8 ans. Ils dessinent de grosses patates, ou des bonshommes allumettes, car ils ont de la difficulté à représenter leur corps dans l’espace », indique M. Monzée. Un enfant qui n’a pas assez couru, culbuté, dessiné ou découpé, parce qu’il passait le temps devant l’écran, se dirige droit vers des difficultés d’apprentissage dès la maternelle.
« L’objectif, c’est pas de mettre les écrans à la poubelle. Ils sont très utiles dans nos vies et peuvent même aider à faire des apprentissages. C’est vraiment quand l’écran devient le loisir le plus important que c’est néfaste », explique M. Monzée. Dans sa pratique, celui-ci remarque que les familles qui décident de diminuer le temps d’écran à la maison voient leurs enfants avoir de nouveau le goût de vivre la vie de famille et aussi la vie de classe, en interaction avec les autres.
https://www.lesoleil.com/actualite/education/la-sante-du-cerveau-menacee-par-les-ecrans-b56eb5b4566d983578f389b5ae6576cb
+ multiplication de l’identité, façon de se définir, pression sociale