Droits et participation citoyen

Comment exercer ses droits en tant que citoyen et participer à la gouvernance démocratique des services publics et communautaires ?

Il n’y a pas si longtemps, au début des années 60, les personnes vivant avec des troubles de santé mentale se retrouvaient dans un asile, partageant leur quotidien avec des gens vivant avec une déficience intellectuelle et avec d’autres personnes, comme ceux et celles qu’on a nommés les orphelins de Duplessis. En 1961, 20 000 personnes sur une population québécoise de 5,3 millions vivent alors dans ces établissements surpeuplés. Après des siècles d’asiles de réclusion, un mouvement de désinstitutionnalisation se met en marche.

Notre perception des personnes vivant avec des troubles de santé mentale est passée de celle de gens exclus ayant peu ou pas de crédibilité, à celle de gens vivant une « maladie comme une autre » qui doit être soignée. Les personnes ayant vécu ou vivant avec un problème de santé mentale ont constaté que leur diagnostic définissait souvent leur vie. En réaction à cette situation, ils ont formulé « je suis une personne, pas une maladie » mettant l’accent sur les capacités de la personne, pour ensuite passer, en toute logique, à l’affirmation de soi : « je reprends le pouvoir sur ma vie », « j’ai le pouvoir d’agir pour me rétablir ».

De nombreux chercheurs se sont intéressés au développement de l’autonomie de la personne et à son autodétermination dans une perspective d’appropriation du pouvoir d’agir (empowerment). On parle ici du pouvoir de prendre réellement des décisions à propos de sa propre vie (sur le plan social, médical, projets d’étude, de travail, etc.). On parle du pouvoir de s’engager dans la communauté, de partager ses expériences auprès d’autres personnes vivant des problèmes de santé mentale. On parle du pouvoir d’aller, pour certains d’entre eux ou elles, jusqu’à participer à l’organisation des programmes, activités et services la concernant.

Plusieurs personnes psychiatrisées ont fait des cheminements de rétablissement, parfois spectaculaires, dans la transformation de leur vie. Ces personnes en ont inspiré d’autres et aujourd’hui l’espoir permet de penser un avenir meilleur en traversant ou après avoir traversé des moments difficiles avec sa santé mentale ou celle d’un proche.

Afin de continuer à modifier les pratiques médicales et sociales d’aide aux personnes, les organismes communautaires (généralement depuis longtemps) et de plus en plus d’établissements du réseau de la santé donnent la parole aux personnes et prennent en compte leur vécu et de leurs besoins dans leur suivi et dans l’organisation des services.

Dans ses principes directeurs, le Plan d’action en santé mentale 2005-2010 du ministère inscrit :

Le pouvoir d’agir : Le Plan d’action en santé mentale 2005-2010 reconnaît la capacité des personnes souffrant d’un trouble mental de faire des choix et de participer activement aux décisions qui les concernent, et cela, en dépit de la présence chez elles de certains symptômes ou handicaps. La participation des utilisateurs et des proches aux exercices de planification des services de santé mentale découle de ce principe.

La première mesure mise de l’avant dans le Plan d’action en santé mentale 2015-2020 ajoute :

Afin que les personnes utilisatrices de services exercent pleinement leur citoyenneté dans le réseau de la santé et des services sociaux et que les membres de leur entourage soient reconnus dans leur statut de partenaire, chaque établissement responsable d’offrir des soins et des services en santé mentale élaborera, puis mettra en œuvre, un plan d’action sur la primauté de la personne dans la prestation et l’organisation des services.

Plusieurs CISSS-CIUSSS organisent des rencontres avec les personnes, leur entourage et des organismes du milieu communautaire pour les consulter afin de mieux répondre aux besoins.

Dans les organismes communautaires, le conseil d’administration est élu par les membres qui, dans la plupart des organismes, sont des gens de la communauté désireux de contribuer au développement de l’organisme et des gens qui reçoivent des services de l’organisme. Ceux-ci peuvent se présenter à l’élection lors de l’assemblée générale annuelle. Il n’est pas rare qu’un certain nombre de postes au conseil soit réservé aux membres. Dans certains organismes ils sont majoritaires et parfois, ils occupent tous les postes.

En plus de la participation au conseil d’administration, plusieurs organismes ont un comité des membres qui représentent l’ensemble des membres. Ce comité est parfois consultatif, parfois décisionnel. Il peut avoir un mandat dans l’organisation des services ou dans le choix des activités ou autre exemple, dans l’élaboration de prises de position publique.

Dans certains endroits, ils existent des organismes qui sont des groupes d’entraide réunissant exclusivement (ou presque) des personnes vivant de trouble de santé mentale. Ces organismes prennent souvent part aux débats publics à propos de différents sujets en santé mentale.

Que ce soit dans le réseau public ou dans le milieu communautaire, les personnes ayant vécu ou vivant des troubles de santé mentale ont des occasions de s’exprimer à propos de leurs besoins, de partager leurs expériences et d’influencer et de participer aux décisions les concernant.

Des obstacles aux droits

Certaines pratiques héritées de la culture des asiles, engluées de préjugés, désuètes, dénuées de sens ou utilisées par manque de formation, persistent dans le réseau de la santé. Le Plan d’action en santé mentale 2015-2020 le reconnaît clairement :

[…] Il arrive que les droits soient méconnus, mal interprétés ou ignorés dans le réseau de la santé et des services sociaux. Des contraintes organisationnelles (par exemple le caractère inadéquat des lieux physiques, le manque de collaboration interprofessionnelle ou la culture en place) favorisent la persistance de pratiques qui vont à l’encontre du respect de certains droits et des normes établies.

Pensons notamment au non-respect ou à une interprétation erronée du droit à l’information, à la confidentialité ou au consentement, à l’utilisation inadéquate de mesures de contrôle (isolement, contention physique et substances chimiques) ou aux problèmes relatifs à l’application de la Loi sur la protection des personnes dont l’état mental présente un danger pour elles-mêmes ou pour autrui (P-38.001).

Tout citoyen jouit de droits et la personne atteinte d’une maladie mentale n’y fait pas exception. Comme toute autre personne utilisatrice de services, elle doit, au besoin, être soutenue par les établissements et les acteurs concernés dans l’exercice de ses droits et recours. Le réseau de la santé et des services sociaux et son personnel doivent favoriser le maintien d’une culture organisationnelle et de pratiques qui soutient systématiquement le respect et l’exercice des droits.

Ce Plan d’action demande d’ailleurs au réseau que, « (…) dans l’organisation et la prestation des soins et des services, des actions et des modalités de suivi concernant la sensibilisation, l’information et la formation des gestionnaires, des intervenants, des personnes utilisatrices de services et des membres de leur entourage sur les droits de tout utilisateur de services ainsi que sur le recours exceptionnel aux mesures légales. »

De plus, le ministère a mis sur pied un Régime d’examen des plaintes du réseau de la santé et des services sociaux (autant en santé physique que mentale) pour que tout usager du réseau de la santé et des services sociaux qui croit que ses droits n’ont pas été respectés ou qui est insatisfait des services qu’il a reçus puisse exprimer son insatisfaction ou déposer une plainte à ce sujet. Plusieurs démarches sont proposées.

Le ministère demande aussi à ce que dans chaque région administrative il y ait au moins un organisme communautaire consacré à la défense des droits en santé mentale. On trouve une liste ici sur le site d’information du gouvernement du Québec. La majorité d’entre eux sont aussi des membres de l’Association des groupes d’intervention en défense des droits en santé mentale du Québec (AGIDD-SMQ).

Les organismes de parents et proches et d’autres organismes communautaires en santé mentale ont aussi développé un accompagnement individuel ou collectif dans la défense des droits en santé mentale. Rappelons aussi qu’il existe de l’aide pour mieux connaître ses droits et les faire respecter dans plusieurs thématiques (logement, aide sociale, assurance emploi, etc.).